Le Menu #38 : production de blé et de livres, rangement du frigo et panzanella

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Bonjour,

Cette semaine, je voudrais vous proposer de comparer l’agriculture et la culture et plus précisément la production de blé et la production de livre. Il se trouve que mon épouse est agricultrice et que la moisson débute — un peu en retard cette année en raison des précipitations.

Je m’étais fait, il y a quelques temps, une réflexion sur les différences entre deux systèmes économiques du blé et du livre.

Les deux systèmes sont en fait complètement opposés. Ainsi pour le livre, je suis libre de fixer le prix comme je veux — en restant toutefois dans les prix du marché — ainsi que la quantité d’exemplaires imprimés. La fixation du prix est une prérogative de l’éditeur et le prix sera le même quelque soit le circuit de distribution. Je ne suis jamais sûr de vendre la totalité du tirage. En fait, cela n’arrive pratiquement jamais et quand cela arrive rapidement après la sortie du livre, on procède à une réimpression, ce qui fait qu’il reste toujours des exemplaires invendus.

Pour le blé, les choses sont différentes. La quantité produite n’est jamais certaine — d’autant plus ces dernières années suite aux conditions météorologiques particulières — et n’est connue qu’une fois la moisson terminée. La différence de rendement selon les années est davantage liée aux conditions météorologiques qu’à la qualité (régulière d’une année sur l’autre) du travail de l’agriculteur. Ce dernier est assuré de vendre la totalité de sa récolte, mais sans réellement maitriser son prix de vente. Le prix des céréales est très variable et est fixé au niveau mondial. En ce moment, le prix du blé est très élevé, autour de 215 € la tonne. Il était à 180 € la tonne l’année dernière à la même époque. L’agriculteur ne maitrise donc pas son prix de vente. Il peut juste pré-vendre une partie de sa récolte à venir lorsque les prix sont hauts ou garder ses stocks en attendant que les prix montent.

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Autre petite particularité du monde agricole, on calcule la production en quintaux à l’hectare mais on la vend avec un prix à la tonne. Si l’on fait un petit calcul rapide, en partant d’un rendement de 80 quintaux à l’hectare et d’un prix de 200 € la tonne, un hectare de blé tendre va donc reporter @1 600 € à l’agriculteur . Sachant qu’un hectare de blé permet de fabriquer 25 000 baguettes de 250 g et que la baguette se vend en moyenne 0,88 € (chiffres Insee), cet hectare permet donc de générer un chiffre d’affaires de 22 000 €, soit près de 14 fois la somme payée à l’agriculteur…

Apprenons à ranger notre frigo

Cela ne vous aura pas échappé, le soleil et la chaleur sont bien présents en ce moment et nous sommes content de posséder un réfrigérateur pour conserver nos aliments. Mais savez-vous ranger correctement votre frigo ? Vous n’êtes sans doute jamais vraiment posé la question mais heureusement, la lecture de l’Art Culinaire Français paru en 1951 va sans nul doute combler cette lacune.

« L’Art culinaire français présente au public, pour la première fois, un ensemble culinaire complet écrit par les seuls grands Maîtres de la cuisine française, allant de la recette la plus simple aux plus délicats sommets de la gastronomie… La mise en œuvre de ce livre a été décidé en 1945 ; il est dû pour le texte aux plus éminents spécialistes de l’art culinaire, et le lecteur aura la satisfaction de trouver sur notre page de titre les noms de tous les auteurs qui ont fait la renommée de « l’Art Culinaire Français ». 
Et ces fameux spécialistes sont : Ali-Bab, E. Darenne, E. Duval, A. Escoffier, Ph. Gilbert, P. Montagné, H.-P. Pellaprat, Urbain-Dubois, etc., bref, la dream-team de l’époque. Et cet ouvrage à la superbe couverture rouge propose au lecteur sur plus de 1 000 pages un aperçu précieux de la grande cuisine française.

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Avant de passer aux recettes propres dites, les auteurs proposaient quelques considérations générales sur l’art culinaire, les préséances à table, les proportions de base par personne (300 g de homard, 250 g de petits pois, 200 g de tête de veau, idem pour la langue de bœuf,), mais surtout la réfrigération ménagère.

L’article débute par cette phrase : « Toute maîtresse de maison a chez elle un appareil pour produire de la chaleur, en l’occurrence un fourneau ; Cet appareil indispensable permet de cuire nos aliments, mais le moment est proche (et nous désirons le vivre déjà) où chaque foyer aura une place pour un appareil à produire le froid, qui permettra de préparer les aliments comestibles. On y apprend que le lait fraisment trait s’y conserve une semaine, que le beurre doit être conservé dans un récipient fermé (ce qui n’est pas le cas sur la photo), le poisson sera également conservé dans un récipient fermé, pour « leur éviter de communiquer une odeur désagréable aux autres mangeables ». Les fromages « exception faite pour le gruyère » sont bannis de l’armoire froide, tout comme les fruits.

En revanche, viandes et gibiers sont à déposer directement sur les clayettes et “doivent rester aérés”. On distingue nettement sur la photo la pièce de bœuf posée entre le poulet rôti et le pâté en croûte.

Pour la petite histoire, Kelvinator, marque partenaire de l’ouvrage n’existe plus. Fondée en 1914 à Détroit, elle a été racheté par Electrolux. Son nom est un hommage à William Thomson, premier Baron de Kelvin, qui développa une échelle de mesure de la température débutant au zéro absolu.

Une recette

Cette délicieuse recette d’été au blé tendre est extraite de Succulentes Céréales de Trish Deseine, illustré des très belles photos de Céline Brisset.

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Panzanella

Ingrédients pour 6-8 personnes : 8 à 10 grosses tranches de bon pain de campagne ou rustique ou au levain de la veille, 600 à 800 g de belles tomates bien mûres, 4 à 5 échalotes ou oignons nouveaux finement hachés, 2 belles bottes de basilic ciselées, 3 cuillères à soupe de vinaigre de vin rouge, 6 cuillères à soupe de bonne huile d’olive bien parfumée, 100 g de câpres, sel, poivre. Pour garnir : anchois au vinaigre ou au sel, olives, fromage de chèvre…

Préchauffez le four à 180 °C. Déchirez le pain en morceaux de la taille d’une bouchée et faites-les griller quelques minutes au four pour bien les dorer. Vous pouvez aussi faire griller les tranches au grille-pain puis les déchirer après, mais vous aurez moins de côtés grillés ! Mixez la moitié des tomates dans un blender et coupez l’autre moitié en dés de 2 cm environ, en gardant le jus. Dans un grand saladier, mélangez le pain avec tous les ingrédients, en gardant de côté un peu de basilic et d’huile pour garnir. Laissez reposer 15 minutes avant de servir.

LE plat pour utiliser délicieusement du pain “bon-mais-un-peu-fatigué”. Soignez votre choix de tomates et tout ira bien.

Un exquis mot

La définition de cette semaine est extraite (comme celle de notre dernière newsletter) du Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercées dans Paris depuis le treizième siècle d’Alfred Franklin (1906). Le mot pourrait évoquer les régimes amaigrissant précédant la plage mais cela n’a aucun lien…

 

Ceinture de la reine
sub. fém.

C’était un impôt destiné à l’entretien de la maison de la reine (Voy. Ducange, Glossarium, V° zona reginae ). Au treizième siècle, on le levait, de trois en trois ans, « le jour de la Saint-Remy », sur les vins entrant à Paris ; il fut plus tard étendu à d’autres mangeables (Voy. Depping, Ordonnances relatives aux métiers , p. 430). Sous une autre forme, cet impôt existait encore au dix-huitième siècle et il fut perçu lors du mariage de Louis XV (Voy. le Journal de Barbier, août 1725, tI, p. 403), mais Marie-Antoinette y renonça lors de son avènement à la couronne ( Mémoires de Weber , édit. Berville et Barrière, tI, p.43).

Des nouvelles des petits fretins

Voici, enfin, quelques nouvelles des petits fretins. Vous avez été plusieurs à me faire vos retours sur les raisons pouvant expliquer l’échec de CarpaShow. Je vous en remercie car cela m’a permis de prendre conscience de certains problèmes comme le titre (pas très explicite) ou la photo de couverture pas assez claire. Cela sera utile pour les prochains titres.

Sinon, les prochains épisodes de Radio Cuisine — podcast qui donne à réentendre les chroniques radiophoniques qu’Édouard de Pomiane présentait sur Radio Paris entre 1923 et 1929 — aborderont des sujets très estivaux puisqu’il sera question d’aubergine, de cuisine de camping et d’un déjeuner au bord de mer.

Et pour finir, une petite petite citation de Louis Aragon,
extraite des yeux d’Elsa (1942):

“Le ciel n’est jamais si bleu
comme il l’est sur les blés.”

Voilà, c’est tout pour cette fois. 😉

 

À la revoyure !

Laurent, poisson-plat chez Menu Fretin

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